Comment expliquer la tendance baissière du marché immobilier français qui se cache, malgré les prix à la hausse enregistrés en Janvier 2023 dans la majorité des communes ?
Au-delà de la pression soutenue sur le marché de l’immobilier ancien induite par l’insuffisance de production de logements neufs. Dans bien des cas, l’explication réside d’une part, dans le fait que les biens les plus chers et recherchés offrant un avantage certain sur l’offre concurrente se vendent en priorité grâce à un prix négocié au passage. Et d’autre part, que dans l’attente des ventes des biens plus communs ne trouvant pas encore acquéreurs faute de rapport prix/produit jugé pas assez attractif, nous ayons côté notaires un prix moyen au m² enregistré faisant plus état en proportion aux biens plus haut de gamme.
La vente des biens plus haut de gamme, même avec un prix négocié et à la baisse, tire momentanément le prix du m² moyen à la hausse le temps que les biens les plus communs ne trouveront pas acquéreurs. Cela induit principalement les vendeurs néophytes en erreurs, ceux qui attendent encore pour ajuster leur prix à la baisse, les conduisant à une baisse à venir toujours plus forte à mesure que les conditions d’accès au crédit se durcissent.
Dans nombre de cas où les biens sont en vente depuis plusieurs mois et dans l’espoir de faire une meilleure plus-value, beaucoup de vendeurs n’ont pas suent afficher un prix suffisamment attractif au moment où l’argent ne coûtait pas chers et devront selon leur besoin de liquidité, soit afficher un prix encore plus bas ou songer à garder leur bien à plus long terme.
Pour rappel
Depuis les recommandations du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) sur les critères d’octroi des crédits immobiliers en janvier 2021, le taux d’endettement maximal recommandé est passé de 33 à 35% assurance incluse et la durée maximum de prêt ne doit plus dépasser les 25 ans voir 27 ans en cas de travaux. Le pourcentage de dossiers pour lesquels les banques peuvent déroger à ces deux règles est fixé à 20%.
Pourquoi la règle d’application des préconisations du HCSF change tout ?
C’est simple, en parcourant le graphique ci-dessus des évolutions des crédits immobiliers non conformes sur la période du 1er trimestre 2020 et le 2nd trimestre 2022, on comprendra les choses suivantes :
- Que jusqu'au début 2020 les banquiers acceptaient de déroger aux préconisations du HCSF pour 1 dossier sur 2 de crédit immobilier afin de le faire passer
- Qu'à cette période la tolérance de dossiers non conformes passables en dérogation était fixée à 15% de la production totale de crédits nouveaux (hors prêts relais, rachats, renégociations et regroupements)
- Que la tolérance du nombre de crédits non conformes acceptés sur la production totale est passée de 15 à 20% au 1er trimestre 2021
- Et que le respect de la règle d'application sur les préconisations du HCSF s'est mise en place progressivement entre 2020 et 2022 dans les établissements bancaires
Quel est le changement majeur pour le banquier ?
C’est le risque réel de sanctions financières en cas de contrôle et de dépassement avéré du seuil de 20% de production de crédits non conformes HCSF sur la production totale de dossiers de crédits immobiliers.
Le passage de préconisations à une norme juridique contraignante s’est fait au 1er Janvier 2022. Depuis, le banquier n’a que très peu de marge de manœuvre et de poids sur la décision finale de vous financer. Le respect des critères HCSF est devenu une contrainte qu’il doit prioriser dans l’analyse des dossiers de crédits.
Quel changement peut-on constater pour les acquéreurs ?
Ce faisant, la banque n’acceptera plus de financer les acquéreurs qui ont un dossier ne respectant pas les critères d’octroi du HCSF, sauf pour 20% des dossiers au maximum sur lesquels la banque peut toujours déroger.
Quel est l’impact réel sur l’évolution des financements immobiliers ?
Pour le dire simplement, sur 10 dossiers de crédits immobiliers octroyés, grâce à une négociation avec leur banquier, 5 réussissaient encore en 2020 à l’obtenir malgré leur non-conformité aux critères HCSF. Pour autant, depuis 2nd trimestre 2022, ils ne sont plus que 6 sur 10 à être accordés, car sur les 5 dossiers non conformes présentés, 1 seul passe désormais sur dérogation !
La conséquence de l’application stricte des critères HCSF a rendu 4 acquéreurs sur 10 non éligibles au financement comme on les octroyait en 2020, soit il y a à peine 2 ans !
Le corolaire notable le plus parlant reste la chute vertigineuse de -40% de la production de prêts bancaires qui en découle entre le 1er trimestre 2020 et le 1er trimestre 2023 !
EN RESUME
Quand sur 10 dossiers de demande de crédits immobiliers acceptés, 5 réussissaient encore à l’obtenir en 2020 grâce à une négociation avec leur banquier et malgré leur non-conformité aux critères HCSF, il n’y en a plus que 6 sur 10 qui y arrivent au 2nd trimestre 2022.
En somme, pour 5 dossiers de crédit immobilier non conforme soumis, plus qu’un seul passera sur dérogation et 4 seront refusés désormais !
Quel critère supplémentaire impact le plus fortement le reste des dossiers de crédits ?
Comme on vient de le voir, l’application stricte des critères HCSF a rendu 4 acquéreurs sur 10 non éligibles au financement comme on les octroyait en 2020. Pour le reste des acquéreurs c’est essentiellement la hausse rapide des taux qui diminue fortement leur capacité d’emprunt en amplifiant d’autant la difficulté à se conformer aux critères HCSF.
Même si les taux actuels restent relativement bas comparés à l’historique, la hausse des taux depuis 2022 diminue rapidement la capacité d’emprunt des acquéreurs.
Faisons un exemple sur l’année 2022 pour illustrer le graphique ci-dessous : Pour 1 000 € de mensualité sur 25 ans, la capacité d’emprunt est passée de 265 342 € au taux de 1%, à 235 930 € à 2% puis 210 876 € à 3% puis 189 452 € à 4% et 171 060 € à 5%.
Comment évoluent les prix du marché immobilier ?
Depuis 25 ans le principal moteur de la hausse des prix de l’immobilier reste la baisse des taux.
Au-delà du revenu disponible brut par ménage qui a peut évolué sur la période de 2001 à 2020, c’est bien le passage d’un taux moyen de 6% à 1% qui a permis l’envolé des prix de l’immobilier par l »effet de levier offert sur la capacité d’emprunt des ménages.
Au 1er janvier 2023 les prix de l’immobilier affichent au niveau national +6.7% et montrent une bonne résistance face à l’inflation. On note toutefois des disparités entre Paris et les grandes métropoles où les prix ont tendance à s’éroder comparativement aux villes de taille moyenne.
La baisse des prix tant attendue par les spécialistes de l’immobilier devient visible sur le 1er trimestre 2023 et est appelée à se durcir au fil des mois à mesure que la hausse des taux s’installe.
Comment évolue le prix des logements dans les États membres de l’UE ?
Il n’y a pas qu’en France que le prix de l’immobilier a amorcé le virage baissier. Même si certains pays comme l’Estonie, la Hongrie, la Lituanie ou la Croatie fraichement rentrée dans l’UE réussissent à tirer leur épingle du jeu, la zone euro continue son cycle baissier sur le prix de ses logements depuis le 1er trimestre 2022.
Des pays forts tels que l’Allemagne, la Suède, la Finlande, le Danemark ne font pas exception.
De quelle façon se manifeste l’effet croisé « Hausse des taux/Critères HCSF » + Hausse des Prix sur les m² achetables ?
La hausse rapide des taux qui s’inscrit dans la durée amorce inévitablement la baisse des prix par la baisse du pouvoir d’achat.
Au niveau national on peut remarquer que sur 2022 entre la hausse des taux de crédits et celle du prix de l’immobilier, la perte de pouvoir d’achat en m² est évaluable à -18% de surface. Une période de rattrapage sur les prix à la baisse est à prévoir prochainement.
Toutefois, une variation existe entre les villes où le prix de l’immobilier a fluctué différemment. Des villes dynamiques telles que LYON ou PARIS voient depuis un an leurs prix baisser par le jeu de l’offre et la demande tandis qu’une ville comme ANNECY manquante de logements, conserve frontalement une hausse des prix de +10%.
Attention toutefois, la hausse des prix enregistrée est souvent due à la vente en quantité plus importante de biens mieux équipés au prix de nouveau négocié au détriment de biens plus communs au prix considéré trop élevé et trouvent de moins en moins preneurs.
Il en résulte un prix au m² vendu plus élevé, mais souvent trompeur car ne faisant pas état des nombreux biens encore en attente d’acquéreurs par faute de prix trop haut et de vendeurs non au faite de la mue du marché et attentistes sur la question de la baisse du prix.
Quelles solutions existent pour les acquéreurs qui veulent malgré cela réussir à acheter un bien immobilier ?
- Dans l'hypothèse où le problème est le dépassement du taux d'endettement, acheter avec un apport rehaussé ou négocier ce qu'il faut sur le prix de vente peut donner de bons résultats
- Le rallongement au maximum de la durée de financement bénéficiera également au taux d'endettement, même si comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, on arrivera bientôt à la butée haute de cette solution
- Dans le cas d'un problème de taux d'usure, la solution réside souvent dans la délégation d'assurance et/ou le la présentation du dossier en début de mois suivant afin de bénéficier de l'actualisation du taux d'usure basé sur la production des mois précédents
- Côté investisseurs, restructurer le patrimoine en regroupant les encours de crédits dans le but de dégager de la capacité d'emprunt reste la voie à privilégier
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* Projection faite à +0.60% au taux actuel ou 4 x la hausse moyenne des taux sur 1 an.
Comment évoluent l’offre et la demande sur le marché immobilier ?
En l’absence de portabilité des prêts immobiliers, la hausse des taux n’incite pas les ménages déjà propriétaires à déménager, au risque de voir leur taux de crédit augmenter sensiblement par rapport à leur crédit en cours. Le nombre de ventes « de confort », non dictées par les aléas de la vie (naissance, divorce, décès…), devrait rester bas à moyen terme.
Évolution des annonces immobilières Auvergne-Rhône-Alpes sur les principaux portails à fin Mars 2023
Variations mensuelles du nombre de nouvelles annonces immobilières
Pour le premier trimestre 2023, on peut constater sur l’ensemble des portails que le nombre de nouvelles annonces immobilières est significativement plus élevé que ces 2 dernières années à la même période.
Signe que les vendeurs sont encore nombreux.
Variations mensuelles du stock d’annonces immobilières
En revanche, les portails sont unanimes sur le fait que la variation des stocks mensuels montre clairement une accumulation du nombre de biens à vendre depuis 6 mois.
Cette accumulation est majoritairement le fruit de l’application stricte des critères HCSF ainsi qu’à la hausse rapide des taux ayant tous deux conduit à la baisse de -40% de la production de crédit immobilier depuis le 1er trimestre 2021.
Variations mensuelles du nombre de nouvelles annonces de biens de luxe
Sur le marché de biens immobiliers de luxe, l’accumulation de nouvelles annonces immobilières s’explique en partie par le retard pris sur les dossiers de financement de ce genre de clientèle.
Étant principalement détenu par des propriétaires plus âgés, de secundo accédant, confrontés jusqu’il y a peu, à des difficultés pour se faire financer à leur tour, du fait du mode de calcul du taux d’usure qui a été révisé depuis.
Variations mensuelles du stock d’annonces de biens de luxe
Sur ce segment de marché, l’enjeu n’est pas le même.
Les acquéreurs sont souvent très confortablement installés avec un apport plutôt conséquent leur permettant de temporiser leurs transactions.
L’objectif pour eux en cette période charnière est souvent double.
D’une part, vendre leur bien au prix le plus haut afin de négocier plus confortablement et âprement l’achat du nouveau.
Et d’autre part, être prompt à acquérir LE bien le plus désirable et le plus rare à la vente.
Le temps de l’obtention de ce double objectif, les biens de luxe marquent le coût et s’accumulent durablement.